Date du document : 26/06/2025
Date de mise en ligne : 17/07/2025
Bien qu’il n’existe pas de seuil réglementaire européen ni de recommandation en matière de taux de leucocytes résiduels pour le plasma pour fractionnement (PPF) destiné à la fabrication de médicaments dérivés du plasma (MDP), la France recommande depuis 1998 une étape de déleucocytation (ou leucoréduction) exigeant un taux de leucocytes résiduels inférieur à 1,0 x 106 par litre, pour au moins 90% de la production. La raison de cette mesure est en lien avec le tropisme électif des prions responsables de la forme variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) pour le système lymphoïde. La déleucocytation des PPF est estimée réduire leur infectiosité vis-à-vis des prions d’un facteur compris entre 0,3 et 1 log10. En regard de ce bénéfice, la déleucocytation représente une contrainte importante pour les collecteurs de PPF, avec notamment un choix très limité de fournisseurs de machines d’aphérèse permettant de filtrer le plasma avec une telle performance, l’impossibilité d’utiliser des machines mobiles autorisant des collectes à distance des maisons de dons, une perte en matière première liée à l’étape de filtration et des surcoûts importants du PPF par rapport à la concurrence.
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi sur l’opportunité de faire évoluer cette exigence réglementaire sans compromettre la sécurité sanitaire par rapport au risque prion. Pour étayer son avis, le HCSP a réuni un groupe de travail comportant, outre des représentants de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), de l’Etablissement Français du sang (EFS) et du Laboratoire Français de Fractionnement et des Biotechnologies (LFB), un panel de spécialistes des maladies à prions. Les éléments qui ont été analysés pour fonder cet avis reposent sur des considérations épidémiologiques concernant la « queue épidémique » de l’épisode de vMCJ, sur une analyse bénéfice-risque de la suppression de l’étape de déleucocytation, sur une étude critique de l’efficacité des méthodes alternatives revendiquées par le LFB pour inactiver les prions, sur un travail de modélisation probabiliste conduit au sein du groupe de travail pour évaluer l’impact sécuritaire de la suppression de l’étape de déleucocytation dans la fabrication des PPF, sur une étude conduite en Grande-Bretagne ayant conduit à réintégrer les donneurs britanniques pour la confection des immunoglobulines et enfin sur l’enjeu de santé publique représenté par le projet national « Ambition plasma » destiné à accroître l’autonomie sanitaire de la France et de l’Europe en matière de production de MDP et notamment d’immunoglobulines.
Au vu de tous ces éléments, le HCSP se prononce sur l’opportunité de supprimer l’étape de déleucocytation lors de la fabrication des 14 MDP fabriqués par le LFB dont le seuil d’infectiosité résiduelle pour les prions, en situation de scénario du pire, est considéré comme négligeable car en dessous du seuil de 0,01 doses infectieuses 50% pour chaque administration de produit.
Le HCSP recommande au final d’appliquer au PPF la norme européenne en vigueur pour le plasma frais congelé, soit un taux de leucocytes résiduels < 0,1 x 109 par litre pour au moins 90 % de la production. Le HCSP assortit cet avis de recommandations complémentaires visant (i) à utiliser de la part du LFB des approches méthodologiques en accord avec l’état des connaissances actuelles sur les prions pour l’évaluation des méthodes alternatives à la déleucocytation capables d’inactiver ces agents, (ii) à renforcer la vigilance épidémiologique vis-à-vis de la survenue de nouveaux cas de vMCJ ou de cas atypiques de maladies à prions, et (iii) à réévaluer tous les 3-4 ans la stratégie mentionnée dans l’avis pour s’assurer de sa pertinence. Par ailleurs, le HCSP rappelle le maintien des exigences actuelles de déleucocytation pour les produits sanguins labiles, y compris le plasma à usage thérapeutique, car cette mesure est la seule capable de réduire un risque prion résiduel dans ces produits.
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