Le HCSP tient à souligner les vertus de l’aide médicale de l’État (AME) pour la santé publique de tous les concitoyens, et partage quatre valeurs fondatrices :
- Les bénéficiaires de l’AME sont à sur-risque d’être atteints de maladies infectieuses qui affectent d’abord leur santé, mais sont également susceptibles d’être transmises à la population générale si elles ne sont pas dépistées et traitées efficacement. Faciliter l’accès aux soins des patients permet non seulement de les soigner conformément au devoir d’humanité mais de protéger la collectivité, comme parfaitement démontré pour la tuberculose, le VIH-sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles (IST), la Covid-19, …
- Les bénéficiaires de l’AME sont également plus exposés aux troubles psychiques en raison de leurs conditions de vie souvent difficiles et précaires ainsi que des évènements qu’ils ont pu vivre avant et pendant leur parcours migratoire voire parfois, de troubles liés à l’usage de substances. Là aussi la prise en charge rapide et adaptée des personnes concernées, et en particulier de leurs psychotraumatismes si fréquents, est justifiée d’un point de vue de santé publique, facilitée par la couverture proposée par l’AME et bénéficie à toute la collectivité, en limitant les décompensations psychologiques non médicalisées.
- L’AME permet aussi aux personnes concernées de bénéficier de soins en ville (consultations en médecine générale, médecine spécialisée, soins infirmiers, biologie, imagerie…). Remettre en cause ce dispositif induirait automatiquement un transfert d’activité et aussi un surcroit de charge financière sur le système hospitalier et les acteurs territoriaux et associatifs, retentissant immédiatement sur toute la collectivité. En particulier, l’impact sur les services d’urgence, déjà chroniquement en tension, pourrait être conséquent, exposant tous ses usagers au risque de soins de moindre qualité. Par ailleurs, les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), les équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) et les consultations associatives et en centres de santé territoriaux déjà tournées vers les populations précaires apparaissent structurellement bien trop fragiles pour apporter une offre de soins alternative suffisante en cas de suppression de l’AME.
- Contraindre les soignants à renoncer à soigner est non seulement contraire au code de déontologie et l’énoncé du serment d’Hippocrate - « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera », une valeur partagée par tous les autres professionnels de santé - mais à haut-risque de majorer la souffrance au travail aujourd’hui exprimée par un nombre élevé de soignants de tous métiers. Les conséquences en seraient très néfastes non seulement pour les acteurs concernés mais aussi pour l’attractivité des métiers et pour la qualité globale de la prise en charge de tous les concitoyens.
Le HCSP souligne avoir déjà partagé ces constats lors de son audition en novembre 2023 par la mission parlementaire menée par MM Claude Evin et Patrick Stefanini.
À travers cette note sans dimension politique, le HCSP souhaite souligner les valeurs qu’il porte sur la santé de toutes les personnes sans distinction et son attachement à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, notamment chez les personnes vulnérables. Ainsi, le HCSP va poursuivre sa réflexion sur la thématique de l’AME sous la forme d’une auto-saisine portée par le groupe de travail permanent « Inégalités sociales et territoriales de santé », en complément de son expertise en cours relative aux populations vulnérables, dont les conclusions seront publiées dans un rapport à paraitre en 2025.